Varia
Clarissa Figueira
Résumé
Ce numéro de la revue « Articulation(s) » est pensée en varia. Conçu avec une certaine curiosité quant aux réponses à l’appel dont le cadre d’analyse enrichira la réflexion sur le travail social radical en France et à l’étranger. Au regard des multiples tensions économiques, politiques, écologiques et sociétales qui bousculent le secteur, concevoir un numéro varia veut dire travailler à partir des intérêts et enjeux des autrices et auteurs. Nous avons ainsi reçu des propositions sur des thématiques très variées. Dans la tradition de notre revue, des professionnel.les et des chercheurs.ses se sont saisis de l’appel.
Le premier article de François Genoud nous fait entrer dans le détail et la sensibilité d’un atelier d’écriture, mettant en valeur les effets du travail de passeur d’histoires des personnes qui se racontent sur la personne concernée et sur celui qui l’accompagne.
L’article suivant, de Marie Bruniquel, analyse les pratiques au prisme de leurs contraintes politiques. Elle s’intéresse à la mise en tension du travail social par la nouvelle gestion publique à partir d’une enquête réalisée auprès de professionnel.les en Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS). L’analyse montre certaines limites des Contrats Pluriannuels d’Objectifs et de Moyens (CPOM) tout en réfléchissant aux marges de manœuvre des professionnels concernés. Un dialogue se construit avec Rosenzweig et Boussart sur la mutualisation pensée comme une forme de collaboration incitée dans les logiques de la nouvelle gestion publique ainsi que par les acteurs eux-mêmes en fonction d’enjeux de groupements professionnels. Leurs analyses sont construites à partir d’études de cas menés dans la région de Bruxelles (Belgique). L’article développe plus précisément les expériences d’un centre social-santé intégré et d’un numéro vert d’aide sociale.
La perspective se réoriente ensuite vers les personnes accueillies par les dispositifs, tout en maintenant un regard critique sur les politiques qui orientent les pratiques. Benchaou met en discussion les politiques sociales marocaines de protection de l’enfance à partir d’une recherche action au sein de l’association la Kasbah d’Aide aux Enfants en Situation Difficile. Quant à Lelubre, elle s’intéresse à l’accompagnement des jeunes mineurs isolés (13 à 18 ans) repérés comme originaires du Maghreb. Par une recherche action collaborative, elle analyse leurs résistances aux dispositifs du travail social qui leurs sont destinés alors que leurs sollicitations ponctuelles montrent des marques de violence et de parcours de vie à la rue. Insaisissables, ils questionnent directement les professionnel.les du secteur.
C’est, ensuite, la création de dispositifs par la recherche-action-collaborative qui est abordée par Scherer dans le cadre d’une étude de cas qui participe du mouvement social de la démocratie alimentaire, et plus particulièrement au projet de sécurité sociale de l'alimentation. Cet article présente la démarche de recherche-action et l'hypothèse de recherche, documentant ainsi celle formulée par l'équipe DAM (Démocratie Alimentaire dans les Marchés) de l'UMR Innovation de l'Inrae (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) à savoir "La démocratie alimentaire garantit la sécurité alimentaire". Cette expérimentation de caisse commune alimentaire est la première expérimentation de cette ampleur : aujourd'hui plusieurs caisses sont expérimentées en France et en Belgique, documentées dans le numéro précédent d'Articulation(s)[3].
Le dossier s’achève par une mise en perspective du travail social radical à partir du contexte géorgien en revenant sur la création et les actualités d’un secteur du travail social fonctionnant comme un analyseur de la crise politique du pays. La Géorgie est actuellement soumise à une remise en question des libertés démocratiques ainsi qu’à une vague de violences et de répression. Rurka informe sur le contexte, introduit et traduit ensuite le propos de Sadzaglishvili, professeure en travail social à Ilya State University et de Gigineishvili doctorante,
Ce dossier montre une transversalité des préoccupations des professionnel.les et chercheur.ses liés au travail social par une articulation entre les échelles micro et macro. Les articles questionnent, voire dénoncent les effets des politiques sur les pratiques, les acteurs et les bénéficiaires tout en analysant aussi les effets des pratiques sur les politiques ainsi que les marges de manœuvre des différents acteurs.
Ce numéro est dédié à Cheikh Noé qui est venu au monde pendant la préparation de ce numéro...soit le bienvenu!
Sommaire du numéro
Quelle qualité d’hébergement dans un contexte de rationalisation budgétaire ?
Marie BruniquelLa logique de rationalisation budgétaire qui domine l’action publique touche désormais le secteur social, à travers notamment la mise en œuvre d’outils d’évaluation et de mesure de la performance. Les structures sociales sont confrontées à de nouvelles logiques managériales qui les contraignent à prouver leur efficience dans un contexte de mise en concurrence des acteurs. Afin de préserver un travail social réellement émancipateur, il semble incontournable d’analyser ces outils et leurs conséquences sur l’accompagnement des publics les plus en difficulté....
Lire la suiteLes travailleurs sociaux face à la mutualisation associative
Matthias Rosenzweig, Karine BoussartRésumé : La mutualisation est une forme de collaboration qui suscite un fort engouement de la part de pouvoirs publics et de certaines organisations non-marchandes. À travers celle-ci, ils visent notamment à encourager l’intégration des services sociaux et médico-sociaux associatifs par la mise en commun de locaux et de travailleurs. En même temps, des intervenants de terrain émettent des craintes sur le risque de standardisation de leurs pratiques professionnelles. À partir de cas d’études de mutualisation associative issus d’une recherche menée...
Lire la suiteLes enfants en situation difficile au Maroc
Basma BenchaouRésumé : Le traitement des enfants en situation difficile dans les politiques sociales marocaines est souvent caractérisé par une institutionnalisation qui privilégie des solutions donnant fin à des résultats chiffrés. En d’autres termes, c’est le chiffre qui définit la réussite ou l’échec des interventions, au détriment d'une compréhension plus profonde des besoins individuels et du développement personnel des enfants. Le présent article examine comment l'expérience de recherche-action menée dans le cadre de l'Association La Kasbah pour l'Aide aux Enfants en Situation...
Lire la suiteAdolescence en migration – Mieux appréhender les réalités vécues par les jeunes menas dits « en errance » à Bruxelles
Marjorie LelubreRésumé Les mineurs étrangers non accompagnés questionnent les frontières de l’intervention sociale, de par leur double statut d’enfant et de personne en situation de migration. « En errance », tant physique et psychique, ils font exploser les cadres de référence des professionnels de terrain. Dans cet article, nous rendons compte d’une recherche collaborative, menée à Bruxelles, de septembre 2022 à mars 2024. Abstract Unaccompanied foreign minors challenge the boundaries of social intervention, because of their dual status as children and as people...
Lire la suiteFaire démocratie alimentaire ?
Pauline SchererLa perspective de faire de l’alimentation un sujet de démocratie et de transformer l'organisation sociale et politique de l’alimentation, en vue d’agir contre les inégalités alimentaires et plus largement pour la durabilité des systèmes alimentaires, est au cœur d’une expérimentation collective menée actuellement à Montpellier (métropole de 500 000 habitants) : la caisse alimentaire commune. Elle s’inscrit dans une démarche de recherche-action participative et interroge la démocratie alimentaire et la citoyenneté alimentaire comme conditions d’une transition juste, permettant d’atteindre une...
Lire la suiteLa Géorgie …le travail social radical en acte
Anna RurkaLe travail social radical, basé sur les théories critiques, s’oppose à toute forme d’oppression, défend les groupes opprimés et refuse d’accepter les inégalités structurelles comme inévitables. Dans cette perspective, en plus d’être au service des plus vulnérables, l’engagement et les actions des travailleuses et travailleurs sociaux prennent une tournure politique pour ne pas seulement « résoudre les problèmes des usagers » mais avant tout de leur permettre de prendre le pouvoir et le contrôle sur leur propre vie et d’agir pour améliorer...
Lire la suiteUn travail macro-social en Géorgie
Shorena Sadzaglishvili , Ketevan GigineishviliL’article explore l’évolution du travail social en Géorgie post-soviétique, une profession apparue en réponse aux défis sociaux et économiques après l’effondrement de l’URSS. Il analyse l’impact du modèle soviétique sur la société géorgienne et la transition difficile vers un système social basé sur la responsabilité individuelle et collective. La création de l’Association géorgienne des travailleurs sociaux (GASW) en 2004 a marqué une étape clé dans l’institutionnalisation du travail social. Depuis, la profession a évolué vers une implication plus active dans...
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