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La profession de travailleur social (e
Dans la Géorgie soviétique, un nouveau type d'être humain, appelé « homosovietikus » est né. La conception soviétique des droits humains était très différente des conceptions prévalant à l'Ouest. Le système soviétique ne mettait pas l'accent sur les droits individuels, mais plutôt sur les droits de la société dans son ensemble. L'idéologie soviétique donnait la priorité aux droits économiques et sociaux, tels que l'accès aux soins de santé, à une alimentation de base suffisante et abordable, au logement, à l'éducation et à la garantie de l'emploi, ce qui transformait l'ensemble du système en un gigantesque État-providence. Dans ce contexte, l'importance des droits civils et politiques a été minimisée et dégradée. Ainsi, le peuple s'est habitué à ce que ses besoins fondamentaux soient automatiquement satisfaits par l'État.
Après l'effondrement de l'Union soviétique et l’ouverture des frontières, le peuple s’est retrouvé en position d'infériorité, avec un très faible sentiment collectif d'estime de soi, en montrant une incapacité à assumer la responsabilité de son avenir et une attente passive que l'État fournisse à nouveau « tout ».
Dans ce contexte de transition et en réponse à la crise post-soviétique en Géorgie est né le travail social. La création de l'Association géorgienne des travailleurs sociaux en 2004 a été l'une des étapes clés dans ces processus. L’association a joué un rôle clé dans le développement de la profession de travailleur social dans le pays. Actuellement, elle compte plus de 600 membres et fait partie de la Fédération internationale des travailleurs sociaux. En plus de fournir une expertise professionnelle, un soutien aux politiques publiques, aux organisations prestataires et aux travailleurs sociaux, l’association est également active dans la réponse aux défis auxquels le pays est confronté et qui requièrent une expertise en matière de travail social. Sous la forme d’une responsabilité associative, les travailleurs sociaux géorgiens sont impliqués dans la lutte pour le changement des politiques sociales et dans l'organisation de manifestations contre les pratiques gouvernementales injustes.
Héritage de l'Union soviétique : système social
Le nom « Géorgie » décrit le pays appelé « Sakartvelo » en géorgien. La Géorgie est une ancienne culture située sur le versant sud des montagnes du Caucase, bordée par la mer Noire, la Turquie et les pays voisins tels que l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Les racines de l'histoire géorgienne remontent à plusieurs millénaires. En tant que pays composé principalement de chrétiens orthodoxes, la Géorgie a joué un rôle important dans le christianisme oriental pendant et après l'époque de Byzance. La Géorgie est située au carrefour de l'Asie et de l'Europe, ce qui explique qu'elle possède une culture mixte composée d'éléments orientaux et occidentaux. Les pays voisins de la Géorgie ont eu et exercent encore une influence considérable sur le développement du pays. Après la révolution d’Octobre 1917, le 26 mai 1918, la République démocratique de Géorgie voit le jour. Trois ans après, le 25 février 1921, elle est envahie par l'Armée rouge et perd son indépendance. Après l’invasion soviétique, la République soviétique de Géorgie est établie. L’URSS est proclamée en 1922. En 1922, Staline, né sous le nom de Joseph Djougachvili à Gori, en Géorgie, arrive à la tête de l'Union soviétique. La Géorgie devient un endroit prestigieux pour les vacances et des rencontres de haut niveau entre les personnalités et les composantes les plus riches de Russie et d’autres pays communistes (et coopérants).
Le régime soviétique était fondé sur un contrat social entre les travailleurs et les politiciens, qui garantissait une existence sociale et économique sûre. L'économie de l'Union soviétique différait considérablement des économies de marché, étant coupée du marché économique global. Les ressources économiques massives et diverses du pays étaient en grande partie détenues par l'État. Le gouvernement central contrôlait directement ou indirectement de nombreux aspects de la main-d'œuvre, du système de distribution. L'approche du système de protection sociale soviétique était « institutionnelle », c'est-à-dire qu'il était considéré comme une institution sociale permanente et globale dont la fonction principale était de prévenir l'effondrement de la société et, en second lieu, de rendre l'aide disponible en tant que droit pour les travailleurs qualifiés.
Ainsi, le système de protection sociale soviétique offrait un système complet de sécurité sociale et d'assurance sociale qui comprenait la retraite des personnes âgées et les pensions des anciens combattants, les prestations d'invalidité et l'indemnisation des congés de maladie, les congés de maternité et les allocations, ainsi que les subventions accordées aux fratries et aux familles à faible revenu (Division fédérale de la recherche, 1989). Les travailleurs soviétiques ne contribuaient pas directement à leur sécurité sociale et à leur couverture d'assurance ; le financement était assuré par le gouvernement et par les déductions obligatoires des entreprises industrielles et agricoles (Federal Research Division, 1989). Il était obligatoire d'embaucher un travailleur, s'il était orienté par les autorités sociales, et les emplois disponibles étaient nombreux, mais les salaires peu différenciés selon les qualifications. En outre, le système salarial soviétique s'efforçait systématiquement de rendre les salaires plus égaux.
Les soins médicaux étaient universellement disponibles et gratuits. En ce qui concerne le travail social, les autorités de l'Union soviétique ont préféré ne pas créer une nouvelle profession, mais plutôt confier les fonctions d'aide sociale aux personnels de l'éducation et de la santé. Ainsi, le travail social en tant que profession n'existait pas en Union soviétique. Les fonctions d'aide sociale étaient exercées par diverses personnes ayant des antécédents et des types de préparation académique différents. Il s'agissait non seulement de travailleurs sans formation, mais aussi d'avocats, d'infirmières de santé publique et d'inspecteurs de l'enfance ayant suivi un enseignement secondaire spécialisé.
L'un des héritages les plus néfastes, les plus coûteux et les plus insolubles de l'ex-Union soviétique était le recours aux institutions résidentielles pour la prise en charge des enfants, des personnes âgées et des personnes handicapées (Tobis, 2000). En conséquence, il n'existait pratiquement pas d'alternatives communautaires pour prendre en charge un nombre important et croissant d'individus vulnérables. Les enfants pauvres, négligés ou handicapés, vivaient dans des institutions qui freinaient leur développement physique, émotionnel et intellectuel. Les enfants handicapés étaient isolés de la société dans des établissements sinistres que la plupart d'entre eux ne quitteraient jamais. Les personnes âgées et les adultes handicapés étaient cloîtrés dans des foyers sociaux. Cependant, le système soviétique ne reconnaissait pas les effets néfastes des soins en institution sur le processus de développement humain. En outre, historiquement, dans tout l'ancien bloc soviétique, les personnes souffrant de handicaps physiques et mentaux ont été stigmatisées, cachées au public et donc rendues apparemment invisibles (Dunn & Dunn,1989). Par conséquent, le développement du travail social en tant que profession fondée sur les droits ne peut être considéré comme un processus distinct. Il est lié aux expériences historiques précédentes mentionnées ci-dessus.
Après l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, les différents pays qui en font partie sont passés d'une logique d'« absence de problèmes sociaux » à des défis sociaux et économiques majeurs. Ces « changements écologiques à grande échelle » au niveau macro, d'un système socio-économique communiste utopique à un système orienté vers le marché, d'un gouvernement central fédéré à des gouvernements nationaux individuels (et potentiellement démocratiques), et de la responsabilité collectiviste à la responsabilité individuelle, ont provoqué des changements aux niveaux méso et micro, faisant passer l'individu d'un citoyen d'un « super pays » à l’individu d'un soi-disant « pays en développement nouvellement émergé », avec son propre système socio-politico-économique transitoire dépourvue de structures conceptuellement dédiées à la « protection sociale ».
Au niveau macroéconomique, la Géorgie a été particulièrement touchée par les troubles politiques et civils extrêmes qui ont marqué la période allant de 1991 à 2003. Les conflits ethniques ont à la fois reflété et exacerbé le déclin socio-économique général. Plus de 300 000 personnes ont été déplacées à l'intérieur du pays à la suite des combats entre la Géorgie et les régions séparatistes d'Ossétie du Sud et surtout d'Abkhazie au début des années 1990. Des conflits militaires prolongés et des pratiques politiques corrompues et inefficaces ont entravé la stabilité de la société jusqu'à la révolution des roses de novembre 2003, qui a donné l'occasion d'une plus grande démocratisation et de l'introduction de réformes. Cependant, avec la guerre russo-géorgienne de 2008, la Géorgie a vu un tiers de son territoire occupé par la Fédération de Russie. La désorganisation politique et les préoccupations renouvelées concernant la corruption gouvernementale - malgré les progrès reconnus réalisés au milieu de la décennie - ont conduit à l'ascension du Rêve géorgien (Georgian Dream), un parti politique de coalition, en 2013.
Création de la profession de travailleur social en Géorgie post-soviétique
En Géorgie, du milieu des années 1990 à aujourd'hui, les services de protection sociale et la profession de travailleur social ont subi et continuent de subir des changements importants, l'accent étant mis sur la réduction de la pauvreté et le développement institutionnel (Sadzaglishvili, 2018). Les premières réformes sociales visaient le microsystème le plus vulnérable : les enfants placés dans des institutions résidentielles. Un processus bien organisé de désinstitutionalisation des institutions résidentielles a été considéré comme la solution la plus appropriée pour aider ce groupe le plus défavorisé.
Le processus de désinstitutionalisation a été accéléré par la loi de 2001 relative au placement familial et à l'adoption. L'adoption de cette loi a marqué la volonté du gouvernement d'assumer une plus grande responsabilité dans la protection de l'enfance, avec l'assistance technique de l'UNICEF et d'ONG internationales. En 2009, le nombre d'enfants placés en institution était tombé à 4 600 et, en 2015, à 100 seulement, soit une réduction de 98,6 % par rapport aux estimations de la période soviétique tardive, qui s'élevait à plus de 7 000. Toujours en 2015, le nombre d'institutions publiques est passé de 46 à seulement 3, soit une réduction de près de 94 % (SSA, 2013)1. Ces résultats sont le fruit d’une planification stratégique du gouvernement en matière de protection de l'enfance, notamment en termes de développement des formes alternatives de la prise en charge, axée sur la prévention et les soutiens de l’enfant dans son milieu de vie (Sadzaglishvili, 2018).
En ce qui concerne la formation d'une main-d'œuvre qualifiée pour soutenir cette désinstitutionalisation, un cours non diplômant a été dispensé à 18 personnes en 1999 par l'ONG internationale britannique « Every Child ». Ce cours donnait des instructions sur le développement de l'enfant, sur les mécanismes de promotion et de maintien des programmes de placement en famille d'accueil et en petits groupes, ainsi que sur les questions juridiques liées à l'adoption. Les travailleurs qui terminaient le programme étaient appelés « sotsialuri mushaki », ou « travailleur social ». C'est la naissance de la profession de travailleur social dans le champ de la protection de l’enfance en Géorgie.
En 2000, l'Open Society Foundation a lancé le Social Work Fellowship Program qui a permis d d’octroyer de nombreuses bourses dans le domaine du travail social, permettant aux étudiants d'étudier dans des universités américaines.
En 2004, le premier groupe de travailleurs sociaux formés aux États-Unis a créé l'Association géorgienne des travailleurs sociaux, en tant qu'organisation non gouvernementale (ONG) locale, afin de soutenir le développement continu de la profession en Géorgie. Elle a notamment plaidé en faveur de l'infrastructure juridique et politique nécessaire pour étendre l'expertise professionnelle aux prestataires de services sociaux locaux et pour établir un cadre éducatif solide basé sur des normes professionnelles internationalement reconnues.
En 2006, les premiers programmes de formation en travail social ont été créés dans deux grandes universités d'État. Le développement de la formation en travail social en Géorgie est influencé par deux modèles de travail social : les écoles américaines et britanniques/européennes. Dans l’articulation de ces deux écoles, l’approche géorgienne de travail social peut être décrite comme un modèle mixte. L'accent est mis sur la pratique généraliste avancée et la pratique orientée vers le développement des services plutôt que sur la pratique clinique du travail social.
La terminologie employée dans le champ du travail social reflète également la façon dont la profession est perçue en Géorgie. Par exemple, le terme « bénéficiaire » montre que l'accent est davantage mis sur les subventions financées par des donateurs. Les bénéficiaires de l'aide sociale ayant moins de contrôle sur les attributs des services, la relation bénéficiaire-travailleur social ne reflète pas d’équilibre dans les rapports du pouvoir (Sadzaglishvili, 2018).
Jusqu'en 2019, la principale méthode utilisée par les travailleurs sociaux géorgiens était la gestion de cas (case work) à l’échelle local (micro). Le nombre de travailleurs sociaux employés dans les agences d'État a presque doublé en 2022 par rapport à 2014. En particulier, dans l'étude réalisée en 2014, environ 334 travailleurs sociaux étaient employés par l'État (Partskhalaladze, 2014), et ce nombre approchait les 605 en 2022 (GASW, 2022).
En outre, une analyse situationnelle de la profession de travailleur social en Géorgie réalisée en 2022 a montré que les travailleurs sociaux se considèrent deux fois moins dans le rôle de micro-praticiens qu'en 2011 (48,2% contre 90,2%) (Shatberashvili, 2011 ; GASW, 2022). L'activisme social (macro-pratique) et le travail social (micro-pratique) sont tout aussi importants pour la promotion du changement social, dans le développement social, visant la libération des personnes pour améliorer leur bien-être (Hare, 2004).
Importance de l'association et du leadership dans le développement de la profession
L’association géorgienne des travailleurs sociaux (GASW) a joué un rôle clé dans le développement de la pratique du travail social, de la formation et du cadre réglementaire en Géorgie. Actuellement, la GASW compte plus de 600 membres et fait partie de la communauté professionnelle mondiale des travailleurs sociaux. Elle est active dans la réponse aux défis auxquels le pays est confronté et qui requièrent une expertise en travail social (GASW, 2022). La GASW s'est engagée dans l'activisme sous diverses formes, y compris le lobbying, le plaidoyer, les manifestations, les marches civiles pacifiques, l'information du public sur les défis par le biais de lettres et de déclarations, et la participation active au développement et à l'adoption de la loi sur le travail social. En 2018, le Parlement géorgien a approuvé la loi sur le travail social initiée par la GASW et le Comité des droits de l'homme et de l'intégration civile du Parlement. Cette loi définit les principes clés du travail social, obligeant les travailleurs sociaux à adhérer aux aspects fondamentaux de la profession : respect des droits humains, de la justice sociale, de l’égalité, les principes de proportionnalité, d’honnêteté et d’éthique professionnelle. La loi précise les droits et les obligations visant à assurer une protection des personnes bénéficiaires et des travailleurs sociaux, définit les qualifications professionnelles et les compétences (Parlement de Géorgie, 2018).
La loi sur le travail social crée de nouveaux défis pour la formation en travail social. Dans ce contexte, le rôle du travail social en tant que science transdisciplinaire revêt une importance cruciale pour aligner la formation, la recherche aux besoins des services, pour éclairer les décisions et répondre aux changements socio-économiques rapides d’une société en transition (Sadzaglishvili, 2020). L'identité professionnelle des travailleurs sociaux se développe pas à pas. Par exemple, les travailleurs sociaux prennent conscience de l'écart existant entre la théorie du travail social, telle qu'elle est enseignée dans les universités, et la pratique réelle qui ne leur permet pas d'assumer pleinement les rôles, les responsabilités et l'éthique professionnelle des travailleurs sociaux. Ils deviennent des agents de changement sur leur lieu de travail, ce qui se reflète dans leur activisme et leur mobilisation contre les structures officielles. Les travailleurs sociaux s'efforcent d'assurer leur développement professionnel, de promouvoir de meilleures politiques sociales et de maintenir des standards de pratique professionnelle. En outre, ils luttent pour reconnaître leur place dans le contexte de concurrence avec d'autres professionnels de l'aide (psychologues, spécialistes de la santé mentale, etc.).
En 2020, la GASW a été activement impliquée dans le processus de soutien à la mise en œuvre du Code des droits de l'enfant et de la loi sur le travail social, ainsi que dans le processus de renforcement des capacités de l'Agence nationale des soins (ang. State Care Agency). La GASW a élaboré les lignes directrices sur la coopération inter-agences pour la mise en œuvre du Code des droits de l'enfant, en coopération avec le Parlement de Géorgie, l'UNICEF et les agences de protection de l'enfance. L'objectif de ces lignes directrices est de soutenir la coopération efficace des agences définies par le Code afin de protéger l'intérêt supérieur de l'enfant. Parallèlement aux lignes directrices, des outils d'évaluation pertinents ont également été développés. Actuellement, des travaux sont menés pour obtenir l'approbation du document par décret ministériel et renforcer ainsi la coopération inter-agences. Jusqu'à ce que le décret en question soit publié, ce document constitue une ligne directrice pour les municipalités, car il définit le rôle qu'elles peuvent jouer. Selon le Code des droits de l'enfant, le rôle des municipalités est d'entreprendre un travail social préventif, qui devrait identifier les risques de vulnérabilité des enfants et des familles et être en mesure de les protéger en temps utile.
Le Code des droits de l'enfant accorde une attention particulière à une autre question importante : la délégation de programmes et des services du niveau central au niveau local/municipal. Les municipalités ont la possibilité de planifier et de gérer des programmes d’intervention, en tenant compte des besoins locaux. Les pratiques locales et internationales démontrent que les programmes/services de soutien à la parentalité dans le milieu de vie de l’enfant peuvent jouer un rôle décisif en termes de pouvoir d’agir. Grâce à ce soutien, moins d'enfants sont séparés de leur famille. Selon les principes de la politique du « Gatekeeping », toutes les mesures doivent être prises pour éviter les risques d'abandon et de séparation de l'enfant de sa famille. Cependant, ces programmes ne doivent pas se concentrer uniquement sur la prévention de l'abandon ; ces programmes, en règle générale, comprennent le soutien matériel aux familles, le développement des compétences parentales, la prévention de la violence, ainsi que le développement des compétences économiques, professionnelles et sociales et des programmes de soutien spéciaux pour les enfants, etc..
Le GASW, en collaboration avec des experts nationaux et internationaux, a travaillé sur la mise en œuvre effective de l'article 26 du Code, à savoir la séparation de l'enfant de sa famille. Dans ce contexte, l’association a élaboré des lignes directrices pour les travailleurs sociaux de l'Agence des soins, qui comprennent des procédures détaillées visant la séparation de l'enfant de sa famille et les règles de conduite des travailleurs sociaux lorsqu'ils travaillent avec le tribunal sur les cas signalés. Les lignes directrices comprennent une description de la coopération entre le tribunal et les travailleurs sociaux, ainsi que les indicateurs selon lesquels la nécessité de séparer l'enfant de sa famille est évaluée et présentée au tribunal. En outre, des formulaires d'évaluation ont été élaborés à l'intention des travailleurs sociaux et des juges. Les lignes directrices décrivent également le terme « séparation » conformément à l'article 26 du Code des droits de l'enfant. De cette manière, la GASW a activement soutenu l'Agence des soins pendant une période de deux ans en termes de développement des services de travail social, étant donné que l'Agence est l'un des plus grands fournisseurs de services ainsi que l’employeur de travailleurs sociaux. Les deux projets suivants reflètent les résultats de ce soutien.
Le projet « Interventions for Effective Support to the Implementation of the Code on the Rights of the Child » a été réalisé avec la coopération et le financement de l'UNICEF et le soutien de l'USAID en 2021. Dans le cadre du projet, les éléments suivants ont été revisé(e)s : (1) le Code de déontologie du travail social; (2) les normes professionnelles du travail social; (3) les règles de sécurité pour les travailleurs sociaux. (4) Un mécanisme de réponse urgent, ouvert 24/24 heures a été développé. En outre, la GASW a développé un module de formation pour les travailleurs sociaux de l'Agence de soins.
Dans le cadre du projet susmentionné, un nouveau modèle de gestion des cas en protection de l’enfance. Divers outils ont été créés, comme le projet personnalisé pour l’enfance, le référentiel d'évaluation de danger ; procédure de rapport sur la séparation de l'enfant (pour les affaires judiciaires) ; référentiel relatif à l’évolution de la situation d’enfant, référentiel sur le profil de compatibilité avec un parent d'accueil ; référentiel relatif à la réintégration familiale. Il convient de noter que dans ces processus de travail, la GASW a utilisé une approche participative, en y impliquant des praticiens, le syndicat professionnel, ainsi que des experts et des organisations travaillant sur les droits humains.
À partir de 2019, l'ère de l'activisme est venue. Le 8 février 2019, les travailleurs sociaux ont présenté une lettre au ministère, l’informant du lancement d'un conflit collectif avec l’Agence des services sociaux, un organisme de régulation appartenant à Legal Entity of Public Law (LEPL). Les principales revendications des travailleurs sociaux ont été adressées au gouvernement en ce qui concerne la mise en place de services et l'élaboration de normes de travail minimales pour les travailleurs sociaux. Le 8 avril 2019, les travailleurs sociaux se sont mis en grève dans toute la Géorgie. Dans l'intervalle, des négociations et des réunions ont eu lieu avec les agences de l'État et le Parlement afin de parvenir à un compromis et de s'assurer que les demandes étaient satisfaites ; cependant, en fin de compte, la grève était toujours nécessaire. La grève des travailleurs sociaux revêt une grande importance non seulement pour l'amélioration de leurs conditions de travail, mais aussi en tant que pas en avant dans le développement de la profession. L'activisme social, la protection de ses propres droits et la défense des changements sont des éléments inséparables de la profession de travailleur social. La GASW a été activement impliquée dans le processus de préparation de la grève ainsi que dans l'organisation de la grève et des négociations correspondantes. Avec le soutien de l'association, les travailleurs sociaux employés par l'Agence des services sociaux ont exprimé leurs problèmes et leurs revendications. Il est important de noter qu'à la suite de cette grève et de la volonté des travailleurs sociaux de protéger leurs droits du travail, un syndicat professionnel de travailleurs sociaux a été créé par 61 travailleurs sociaux et son objectif initial était de faire progresser les droits du travail dans le secteur du travail social.
Il convient également de noter que les travailleurs sociaux ont parfaitement compris et pris en considération le cadre juridique dans lequel il serait possible de manifester leur mécontentement d'une manière qui serait la moins préjudiciable pour les bénéficiaires. Les bénéficiaires, les usagers de services, ainsi que la société dans son ensemble, ont pris conscience du rôle d'un travailleur social, certains politiciens actifs à l'époque, se sont rangés du côté des travailleurs sociaux en grève. Le soutien des organisations de droits humains et celui des associations professionnelles sont également à noter dans ce contexte. Bien que les travailleurs sociaux n'aient pas obtenu une réponse positive à toutes leurs revendications, les résultats de la grève sont devenus évidents après la réorganisation du système de soins et après le transfert du système de travail social à une autre agence publique qui disposait de plus de ressources pour mettre en œuvre les changements.
Formation
Les États post-soviétiques ont connu de multiples processus de réforme à tous les niveaux de la vie sociale, y compris la reconstruction spectaculaire de leurs systèmes économiques, politiques et sociaux. Cette transformation a été un défi et une opportunité pour le travail social en tant que nouvelle profession. C'est ainsi que des diplômes de licence, de master et, plus rarement, de doctorat ont été mis en place en 2006 pour former les travailleurs sociaux. Les programmes d'études intègrent des cours de micro, méso et macro pratique, ainsi que la composante d'enseignement pratique (Programme de master en travail social, Ilya State University 2019). Les curricula comprennent un contenu sur l'histoire, les objectifs et la philosophie de la profession. Ils mettent l'accent sur la pensée critique et créative qui permettra aux nouveaux diplômés d'initier, d'adapter et d'évaluer les interventions dans le milieu urbain et rural, tout en restant attentifs aux questions nationales et mondiales pertinentes. Les objectifs des programmes sont de former les étudiants à une pratique sensible à la culture, fondée sur les forces, la résilience, la diversité et les théories écologiques (Programme de Master en travail social, Iia State University 2019). Au niveau des fondements, les étudiants se voient offrir une compréhension globale de la base de connaissances du travail social. Les théories tirées des sciences sociales et comportementales et de la philosophie leur offrent une perspective généraliste à partir de laquelle ils peuvent se préparer à une pratique avancée et autonome.
Conclusion
Tout au long du processus d’institutionnalisation du travail social, l'Association géorgienne des travailleurs sociaux a joué un rôle central. En particulier, les grands changements tels que la création et la mise en œuvre de la loi relative au travail social ainsi que d'autres codes relatifs à la protection sociale et aux droits humains ont été accomplis, en étroite collaboration avec les branches exécutives et législatives du gouvernement de Géorgie. La GASW soutient les approches participatives et encourage les travailleurs sociaux à s'impliquer dans tous les processus. Ce leadership est essentiel pour vaincre le syndrome de l'« Homosovietikus », d’un être passif, d'une posture attentiste vis-à-vis de l'aide de l'État, avec très peu d'activisme social et de participation.
D'autres macro-aspects contribuant à l'échec des efforts en matière de protection sociale sont liés à la position de certains politiciens populistes qui prônent des réformes sociales qui ne sont peut-être pas encore réalisables (par exemple, des soins de santé universels complets, un accès universel à une éducation préscolaire de qualité). De même, les citoyens de ce pays post-communiste exigent et attendent davantage de services de protection sociale de la part du gouvernement, car ils vivent encore dans une optique « socialiste ». Par exemple, une étude a montré que la majorité des sans-abri interrogés (90 %) pensent que le gouvernement est responsable de leur logement gratuit (Sadzaglishvili et Kalandadze, 2015). En outre, la majorité des personnes économiquement défavorisées qui bénéficient d'une prestation d’aide sociale refusent d'être employées, car elles ne se considèrent pas stigmatisées par l'obtention d'une aide sociale. Ainsi, les perspectives traditionnelles macro- ou exo-systémiques sur les valeurs sociales et l'organisation sociétale semblent devoir être modifiées en raison d'une prise de conscience croissante des opérations de protection sociale post-communiste aux niveaux méso et micro-systémique, même si des améliorations sont également nécessaires à ces niveaux.
1Selon les données de l’administration de sécurité sociale (SSA) de la Géorgie les chiffres sont les suivants : Le tiers digne de confiance et le placement en famille d'accueil - 1235 enfants, les petits foyers collectifs - 337 enfants, les centres de jour - 1089 enfants, l'aide alimentaire - 996 enfants, l'allocation gouvernementale de réintégration - 442 enfants, les refuges pour les jeunes de la rue - 123 enfants, etc. (SSA, 2013).
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