N°5 / Varia

Passeur d’histoires

Atelier d'écriture autobiographique pour personnes retraitées.

François Genoud

Résumé

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« Parce que chacun de nous, quel qu'il soit jeune ou âgé, de quelque bois qu’il vienne, aura toujours quelque chose à dire ».

 

Mon nom est François Genoud et s’il fallait me définir professionnellement parlant je me qualifierai de “passeur d’histoires”

J'écris, je collecte et je conte des histoires pour toutes sortes de publics et dans toutes sortes de contextes.

Animateur socioculturel de formation, passionné par les valeurs d’éducation populaire, j’anime aussi des ateliers d'expression autour de la parole. J’aime alors me tapir dans l’ombre et m’efforcer de mettre la parole des autres dans la lumière.  

Si mes lignes apparaissent par le biais de cette revue, c ‘est pour évoquer une expérience récente qui fut très révélatrice pour moi, et dont probablement je ne mesure pas encore tout à fait le sens profond.

 

L'Atelier

Cela s'est passé l'année dernière à Villeneuve-Tolosane, une municipalité de l’agglomération toulousaine.

Par le biais de sa Maison de la Solidarité, on m'a contacté l’année précédente pour animer un atelier d’écriture autobiographique à destination de personnes retraitées, issues de tous bords.

Quelque peu déconcerté au premier abord, n’ayant jamais travaillé sur un tel projet, j’ai relevé le défi avec l'idée de faire intervenir une association ariègeoise consacrée aux métiers du livre.

Sept participants, 5 femmes et deux hommes ne se connaissant pas, et avec de conséquents niveaux d’écriture les uns vis à des autres, ont sur une période de deux mois à raison d’une séance par semaine, écrit chacun un ouvrage d’une trentaine de pages, pour repartir donc en fin de projet leur recueil sous le bras.

 

La méthode

Tout d'abord j’ai tenté de faire en sorte que ces rendez-vous hebdomadaires ne soient pas trop “sérieux”. Pour décrire une séance type, le challenge fut de concilier les ambiances individuelles aux collectives.

Dans l'idée de mieux se connaitre, chacune des séances débutait par un petit rituel. J’invitais   un participant à partager au groupe, un coup de cœur artistique (chanson, œuvre plastique, ou littéraire).

Par moments, évidemment, je leur proposais des petites pauses de ce genre en leur contant une histoire de mon répertoire et bien sûr mes coups de cœurs personnels.

 

Ensuite, pour compléter la première heure, j'invitais les auteurs à des exercices ludiques d'écriture collective de toutes sortes pour que, durant la seconde heure chacun puisse se concentrer sur son roman personnel.

Pour citer un exemple, je distribuais à chacun une image spéciale et différente et je leur demandais de la décrire par écrit. Ensuite, chacun partageait son texte laissant aux autres la possibilité d'imaginer cette fameuse image. Pour clôturer chaque passage, je projetais chacune de images sur grand écran… L'intention de l'exercice était non seulement d'écrire individuellement mais aussi comparer alors l'image créée mentalement avec l'image de base.

 

 

Ou encore, chaque participant choisissait un objet dans la pièce dans laquelle nous étions puis s'efforçait de raconter son histoire sans dire clairement quel est cet objet (porte, affiche, tache sur le mur etc..). Les autres devaient alors observer la pièce et deviner quel était cet objet en question.

L'idée de ces exercices est de démontrer que l'on peut s'amuser à partir de ce qui est là, ici et maintenant, en toute simplicité et de rendre accessible à chacun le pouvoir de l'imagination, quel que soit le niveau d'écriture.

Une ambiance conviviale et en toute simplicité a, je crois, fortement contribuer à la réussite de ce projet.

 

Arbritus

Je me suis inspiré du concept d’« habitus » du sociologue Pierre Bourdieu que j'ai transformé en « Arbritus ».

 À travers le symbole de l’arbre de vie, et à partir des racines, du tronc et des fruits, j’ai invité ces personnes à retracer les différentes étapes de leur vie et de les retranscrire ensuite sous forme de chapitres.

Cependant il m'a fallu adapter ma méthode en fonction du propre rythme d'écriture de chaque personne : comment faire en sorte que chacun(e) puisse avancer au rythme du groupe, sans que les moins expérimentés se retrouvent “sur le carreau “ mais aussi que les plus avancés ne s’ennuient pas…

Il m’a fallu alors quasiment inventer une méthodologie pour chacun des participants(es).

Pour donner des exemples concrets, l’une d’entre elles souffrait de gros problèmes de vue, un autre me parlait uniquement de sa vie professionnelle, un autre encore m’avait, dès la seconde séance, écrit deux pages en m'annonçant « ça y est ! J’ai tout dit ! ».

Enfin, au bout de ces dix séances, le travail était loin d’être abouti.

Ma mission était quasiment terminée mais pas le projet. 

 J’ai fait appel à l'association DuBoutDesDoigts, association ariégeoise consacrée aux métiers du livre, représentée par Mme Émilie Regimbeau. 

 

En partenariat avec la Maison de la Solidarité, s’est imposé un véritable travail, non seulement de relecture commune mais également de mise en page et sans oublier une remarquable reliure “ effectuée dans les règles de l’art”.

 

Pour moi, la plus grande difficulté de ce projet fut certainement de toujours rester en éveil auprès de chacune de ces personnes, tout en préservant leur intimité et en même temps les inciter à ouvrir les portes de leur mémoire, au point de leur en faire partager des extraits en public.

Effectivement, j'assurais un suivi individuel tout au long de ces dix séances par des appels téléphoniques hebdomadaires. Pour les personnes les moins à l'aise avec l’écrit, je suis même allé jusqu'à enregistrer leur conversation et les aider à rédiger quelques lignes en réécrivant ensuite.

Certaines m’ont alors confié des choses secrètes, à ne pas inclure dans leur livre.

J'ai compris à ce moment-là l'ampleur de la responsabilité de cette fonction que malgré moi j'apprenais « sur le tas », à savoir le respect de la « Parole » donnée.

 

Dans mon métier de passeur d'histoires, je conte des histoires que j'écris en mesurant du mieux que je peux, l'ampleur du message que je cherche à « transmettre » à travers les images provenant de mon imagination.

Dans ce type d'atelier, il s'agit de « porter la parole » de personnes qui me confient leur vie à travers ce livre. Un livre qui non seulement valorisera ces personnes elles-mêmes, mais qui, certainement, sera transmis à leurs descendances, qui eux-mêmes, peut-on imaginer, se construiront probablement à partir des écrits de leur aïeux.

Beaucoup, en début de projet m'ont confié qu'elles n'avaient pas grand-chose à dire de leur vie, mais grâce à leur propre travail de mémoire, se sont rendues compte qu’elles avaient bien comme chacune des personnes de ce monde, quelque chose à DIRE comme le témoigne Sabine, une des participantes de l’Atelier : « Je remercie particulièrement François, pédagogue né, patient, passionné et bienveillant pour avoir réussi par diverses astuces drôles, pétillantes et originales, à “piquer le déclic” et faire éclore les souvenirs enfouis dans la mémoire de chacun de notre groupe diversement rassemblé ; et surtout d'avoir atteint son but : l'écriture finale, matérialisée par un précieux livre. »  

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