Patrice Ndiaye, enseignant-chercheur en droit public et Dominique Paturel ont réuni en novembre 2017 dans le cadre d’un séminaire de recherche participative, des acteurs engagés dans l’accès à l’alimentation durable pour des familles modestes, des chercheurs en sciences sociales tant des sciences juridiques que de la sociologie. La méthode retenue pour ce séminaire, qui s’est poursuivi pendant 18 mois, visait à croiser les savoirs. En outre, il s'agissait de mettre en oeuvre, une démarche pédagogique en direction d'étudiants issus de formations différentes (droit de l’environnement, travail social, politiques de l’alimentation) de façon à ce qu'ils et elles croisent leurs analyses. Une dizaine de doctorants et doctorantes ont également suivis ce séminaire et pour eux et elles aussi, il s'agissait de travailler ce croisement à partir de leurs problématiques.
L’ouvrage, « le droit à l’alimentation durable en démocratie » est le fruit de cette dynamique et de cette méthode. Il dresse un état de la démocratie alimentaire en France en ce début du 21ème siècle et pose trois limites inhérentes à la démocratie alimentaire dans le contexte démocratique français.
La première est celle des limites en termes de participation avec les exemples d’un diagnostic alimentaire territorial et de projets alimentaires territoriaux (P.A.T.) où la participation des acteurs (sociaux, associatifs, territoriaux) et des publics reste marquée par une ignorance réciproque et une difficulté à installer cette participation dans le temps. La deuxième sont les limites politiques tenant en la prégnance de l’idéal de la démocratie du consommateur où le marché détermine les limites de l’action publique et son critère d’efficacité. Limites de genre qui plus encore avec la crise sanitaire que nous traversons, font peser principalement sur les femmes la multitude des tâches et activités liées à l’alimentation. La troisième sont les limites juridiques avec la non effectivité d’un droit à l’alimentation durable entravé par la conception de ce droit comme un droit à être nourri, sans que ne soient pris en compte les conditions de production de cette nourriture et les souhaits des bénéficiaires de cette aide. De plus l’approche normative " classique " de l’alimentation en termes d’échanges marchands tant sur le plan européen que national vient asservir l’alimentation au jeu du marché.
Toutefois, se développent une diversité d’initiatives citoyennes parfois appuyées par les collectivités territoriales visant à une réappropriation de la question de l’alimentation. Néanmoins ces initiatives citoyennes et celles portées par des pouvoirs locaux ne sont pas suffisantes pour accéder à une véritable démocratie alimentaire. Celle-ci passe par la proposition d’une sécurité sociale de l’alimentation pour rendre effectif le droit à l’alimentation durable. Préalablement, devra être posé par la norme juridique d’une valeur constitutionnelle ou a minima législative le droit à une alimentation durable pour toutes et tous intégrant les conditions de production, transformation et consommation des produits alimentaires.