N°1 / Vers le travail social radical

Du sentiment d'impuissance au pouvoir de penser et d'agir

Annelise Vernaz, Jonas Chevet, Kamar Eddine Ben Abdallah, Marie-Thérèse Savigny

Résumé

La crise sanitaire et les différents confinements acculent à l'urgence sociale nombre d'habitants du 3ième arrondissement de Marseille. Considérés comme des « inutiles au monde », parce que sans papiers, ils se sont regroupés en collectif organisé et se battent avec des voisins solidaires pour l’accès aux droits.

Abstract

The health crisis and the various lockdowns force many inhabitants of the 3rd district of Marseille into a social emergency. Considered as "useless in the world", because they are undocumented, they have formed an organised collective and are fighting for access to rights, in solidarity with neighbours.

 

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Vincent de Gaulégac rapporte une petite histoire assez édifiante: « Un homme en état d’ébriété est accroupi sous un réverbère, l’air un peu angoissé. Un passant vient vers lui pour lui demander si ça va. Non, répond l’ivrogne énervé. Je cherche mes clefs et je ne les trouve pas. Le passant regarde sans apercevoir le moindre trousseau. « Et où les avez-vous perdues ? demande t-il. Là-bas, répond l’ivrogne en désignant un endroit bien éloigné de celui où il cherche. Mais pourquoi cherchez-vous ici si vous les avez perdues là-bas ? Parce qu’ici c’est éclairé » (Gaulégac, 2013, p.284).

Jolie fable en vérité pour rendre compte d’une posture que nombre d'entre nous ont intégrée - parce que rendus ivres par les coups offerts à l'open bar du discours officiel et pseudo scientifique des « experts » habilités par le pouvoir politique ! 

Nous ferons quant-à nous œuvre de résistance en scrutant l'ombre propice et l'histoire que nous allons raconter se passe dans le 3ème arrondissement de Marseille, un quartier  des plus pauvres d'Europe. 

Nous, c'est quatre personnes : Jonas est l'un des deux salariés d'une association d’Éducation Populaire intervenant sur le quartier depuis 2013 : l'An 02. Anne Lise est assistante sociale à la CAF et intervient à ce titre sur le territoire. Kamar Eddine, professeur rarement payé et animateur socioculturel aux Comores, habite le 3ème depuis trois ans et vit de petits boulots. Marie Thérèse est nouvellement retraitée après avoir été formatrice et chercheuse en travail social. Ce qui nous réunit c'est le Collectif des Habitants Organisés du 3ème arrondissement (CHO3) créé en Juin 2019 par une trentaine d'habitants et au sein  duquel nous agissons à des titres différents puisque nous sommes différents. Ce que nous avons en commun toutefois, c'est le besoin de penser ensemble ce qui se joue au travers de cette action et nous avons décidé de faire un travail de réflexion et d'écriture collective.

Du sentiment  d' impuissance à la dignité d'agir

Dans le 3ème arrondissement  où les habitants sont confrontés de longue date à des problèmes multiples (logements insalubres, pauvreté, précarité alimentaire, établissements scolaires vétustes, absence de droits pour les sans papiers), le premier confinement sonne le glas.  

« Quand j'ai appris le confinement, au tout début, je me suis enfermé dans ma chambre et je me suis dit que j'allais mourir. Sans papiers et avec des contrôles policiers partout je ne pourrais plus sortir et aller travailler pour nourrir ma famille. J'avais peur et j'étais triste » (Kamar Eddine) 

C'est alors que le CHO3 et l'An 02, vite rejoints par la Fraternité  (membre de la Mission Populaire Évangélique de France)  décident d'impulser une dynamique d'entraide dans l'arrondissement . Ils créent un n° d'appel à l'intention des habitants confrontés à des difficultés, puis invitent des voisins et/ou des personnes volontaires à participer à un système de compagnonnage. L'idée, en effet, c'est de créer des binômes (ou des trinômes) dans une logique de solidarité de proximité. Parallèlement, au travers de groupes de quartiers ou de groupes thématiques, le Collectif d'Entraide des habitants du 3ème cherche des solutions concrètes pour faciliter l’accès aux institutions et associations ressources, recueillir de l'argent en urgence, mettre en lien avec les lieux de distribution alimentaire et construire des revendication inter-collectifs. 

« Par une dame qui est venue me voir, j'ai eu le n° du collectif, j'ai téléphoné et par la suite j'ai été bombardé de coups de fil. Finalement une personne est venue chez moi avec un gros colis et m'a dit :   Vous êtes en France, vous avez des droits  Cela a tout changé pour moi et j'ai repris espoir. Quitter son pays est une décision difficile à prendre, c'est risqué et il faut être  prêt à redémarrer une nouvelle vie. Certes, c'est difficile du fait des barrières administratives et politiques. Il faut du temps et on peut être déboussolés mais je n'oublie pas que c'est ma décision. Beaucoup de gens m'encouragent et je rêve d'être professeur ou de travailler dans le social. Je rêve d'être au côté des citoyens, d'être toujours sur le terrain et de faire bouger les choses dans les collectifs et les associations  qui sont aujourd'hui préoccupés de nos difficultés. C'est un engagement à la mesure de ma reconnaissance et je m'y sens prêt mentalement et physiquement. Je ne sais pas ce que la vie me réserve mais déjà je me bats en donnant du temps et des coups de mains dans le cadre du collectif des habitants du 3ème arrondissement de Marseille. Car oui, malgré tout, dans la conjoncture actuelle, je ne regrette pas d'être là, dans une famille comme la mienne : une famille de sans papiers, sans travail, sans revenus autres que ponctuels. Dans ce pays où les conditions administratives nous privent de tout, c'est dans cet arrondissement que j'ai trouvé les conditions d'une vie supportable et adaptées à notre niveau de vie. J'aime ce quartier et j'ai le devoir de prendre soin de lui. Je l'apprécie à tel point que je me suis donné comme objectif de contribuer à ce qu'il retrouve une bonne réputation. Ce quartier m'a accueilli dans les moments les plus difficiles, il me permet d'élever ma famille. Je veux lui rendre la monnaie de la pièce.Je veux servir cet arrondissement et me battre avec ou sans les politiques. Mais j'espère qu'ils nous donneront les outils adéquats pour relever le défi. Car c'est quand même inquiétant ! Marseille, la 2ème ville de France compte aujourd'hui 7 arrondissements parmi les plus pauvres d'Europe ! Et le 3ème arrondissement, mon 3ème arrondissement, est le plus pauvre de ceux là ! Et si le pouvoir semble vouloir s'en occuper en premier, c'est grâce à la forte mobilisation des migrants dans cet endroit. C'est pourquoi il est le plus généreux. Contrairement à beaucoup de personnes, lorsque j'ai appris que mon quartier était au premier rang des quartiers pauvres, je n'ai pas voulu le quitter et je me suis senti concerné au premier rang. C'est devenu mon « chez moi ».Surtout, nous avons créé une entraide incroyable et nous formons une famille. Notre souhait aujourd'hui c'est de créer une coordination des collectifs pour mettre en place des politiques positives ». (Kamar Eddine)

Le CHO3, en effet, ne se veut pas une association humanitaire. Il accueille les colères des habitant (e)s et toutes les idées permettant de construire des solidarités, de la débrouille à l'interpellation des pouvoirs politiques. Son combat, c'est la mobilisation des habitants  autour de toutes les questions qu'ils amènent pour lutter pour la justice sociale.

L'action  sociale : un secteur arraisonné 

Au CHO3, les petits groupes de solidarité s'organisent d'abord dans une logique de proximité : la porte d'entrée au départ est le plus souvent l'urgence alimentaire et le besoin de produits d'hygiène. On mesure pourtant très vite que cette urgence est le révélateur de plusieurs difficultés qui ensemble font système : le non accès à des droits fondamentaux -  déjà là -  mais aggravé par la crise sanitaire. 

Ici, le revenu des familles, provient souvent de petits boulots au noir très mal payés ou de contrats de travail très courts (missions d'une journée) quand le travail est déclaré. Le confinement puis la fermeture des bars et des restaurants ont rendu ces ressources inaccessibles. Certaines personnes remplissant des conditions extrêmement précises se sont ouverts des droits aux allocations familiales. Mais plusieurs n'ont rien reçu depuis longtemps et n'arrivent pas à rencontrer un travailleur social. Des aides d'urgence ont été débloquées par le Conseil Départemental  mais peu de personnes en ont connaissance et là encore rencontrer un travailleur social relève du défi. Il faut noter que les protocoles sanitaires mis en place par l’État suite à la pandémie , confinent le plus souvent les travailleurs sociaux au télé travail !

 

Mais la liste est encore longue : certaines personnes se voient refuser l'ouverture d'un compte parce qu'elles sont sans papiers, alors que c'est un droit, d'autres – mais ça peut être les mêmes – restent dans un logement insalubre dont elles ne peuvent  payer le loyer, à moins qu'elles n'en soient délogées pour cause d’arrêté de péril,  etc. 

Pour chacune des questions posées, le CHO3 réunit les personnes concernées pour identifier le problème, repérer les interlocuteurs concrets à interpeller et décider des modalités d'action possibles. 

C'est souvent compliqué ! Les institutions constituent un inextricable maquis, y compris pour ceux qui y travaillent. Pour les habitants et les bénévoles, c'est pire encore. Quelques travailleurs sociaux ou des personnes travaillant dans des administrations acceptent d'être des interlocuteurs dans une logique de réseau. Le CHO3 organise quelques formations et, domaine par domaine, liste les institutions et personnes ressources. 

Les habitants, quant-à eux, n'en peuvent plus d'être au mieux rejetés dans leurs demandes  , au pire inquiétés.Certains, manquant pourtant de tout, renoncent à demander quelque aide que ce soit et deviennent totalement invisibles pour des institutions pourtant censées faciliter l’accès à des droits. Il faut dés lors organiser des démarches collectives...

Mais les interlocuteurs se font rares. Où sont donc passés les travailleurs sociaux, censés accompagner l’accès aux droits ? 

« J'observe que les grosses associations sont aujourd'hui dans des logiques de fusion/absorption et mises en concurrence par l’État ou les Collectivités Territoriales. Cela passe passe par de nouveaux appels à projets instaurant des changements de missions. C'est une perte de sens pour des travailleurs sociaux quand l'association où ils travaillent perd le sens de son projet initial.  L'ancrage territorial se délite, ainsi que la proximité auprès  des habitants. Parallèlement, les moyens ne sont souvent pas à la hauteur des objectifs. On observe l'instauration d'un véritable management d'entreprise et on peut parler de social business !

En fait, le travail social a changé d'objet avec l'imposition des critères d'évaluation souvent quantitatifs qui aujourd'hui relèvent des méthodologies issues des certifications de la Haute Autorité de Santé du secteur sanitaire . On n'évalue pas ce qu'on fait avec quel résultat pour les personnes mais combien (de cas on traite) pour quel coût. 

Par exemple, certains services sociaux de la Métropole ne font plus que du «  reporting » pour les familles délogées. D'autres services sont payés à la mesure. C'est le cas par exemple dans le cadre de l'appel à projet   du Fond National d'Accompagnement Vers et Dans le Logement (FNAVDL) où une mesure = une famille = une certaine somme d'argent. Les services appellent le référent  juste pour savoir ce qui été fait. Il y a peu, voir aucun travail d'accompagnement de proximité et de diagnostic sur l'environnement : c'est un travail hors sol, un simple état des lieux d'une situation.  » (Anne Lise)

Une des forces de la pensée néolibérale, c'est qu'elle se présente comme une « grande chaîne de l’Être ». Comme dans la vieille métaphore théologique où à une extrémité on a Dieu, et puis on va jusqu'aux réalités les plus humbles par une série de maillons» (Pierre Bourdieu 1998). Les dispositifs de fabrique de la subjectivité et du vivre ensemble que constituent ces nouvelles formes de civilisation passent par l'extension culturelle du langage de l'entreprise qui capte et modèle le vivant dans des discours administratifs, bureaucratiques et techniques. Lesquelles installent des « machines de gouvernement » au nom de l'esprit de compétition et de l'idéologie de l’efficacité. (...) Ce système technicien efface le principe de réalité psychique autant que celui de réalité sociale sans être en lui-même pourvu de mauvaises intentions. Il possède une autonomie amorale en quelque sorte, et son emballement provient de sa capacité d'auto-engendrement largement décrit par Jacques Ellul(Gori, 2011, p.102 et 103)

« Mais, le travail social obéit bien à une logique d'accueil inconditionnel ? » (Jonas) 

En réalité, rien n'est moins sûr, si l'on en juge par l'idéologie sous-jacente aux textes de lois et aux dispositifs récemment mis en place. 

« Nos politiques publiques ont progressivement basculé, à rebours de l’évolution des besoins sociaux des dernières décennies, vers des logiques largement curatives. Elles donnent aux personnes pauvres les moyens de survivre, mais sans perspective de sortie et d’autonomie par le travail. Cette inertie sociale, cette logique d’assignation, est un démenti permanent à la promesse républicaine méritocratique. L’enjeu de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, en partant des exigences portées par les personnes en situation de pauvreté, c’est de sortir de cette fatalité subie trop souvent dès les premiers pas de la vie, c’est d’en finir avec une société de statuts pour permettre la mobilité sociale, l’émancipation, la maîtrise de son destin par l’éducation et le travail ». ( Buzin, 2018).  

Le logiciel de pensée est ici parfaitement clair. L’évolution des besoins sociaux n’est pas mise en lien avec leurs causes — et principalement le modèle économique néo-libéral. En revanche, le principe redistributif est discrédité au prétexte de ce qu’il serait « curatif ». Faut-il comprendre que soigner n’est plus à l’ordre du jour ? Quoiqu’il en soit, l’évolution objective du marché du travail (hautes technologies dans le process de production et donc diminution du travail humain, financiarisation et mondialisation de l’économie et donc réduction des effectifs) est niée au profit de l’injonction faite à tous de se lancer dans le marché très concurrentiel du travail salarié. Un des moyens de pression est la précarisation du statut. Il suffit de se référer à la loi travail ou « loi Khomeri » et loi travail 2 sous l'égide de la ministre Muriel Pénicaud et qui s'est faite par ordonnances publiées au journal officiel le 22 Septembre 2017. L’argumentaire est ici particulièrement pervers : prétendant refuser la « logique d’assignation », il organise de fait la généralisation du précariat au nom de la « responsabilité » individuelle et de la « méritocratie ». 

Dans ce cadre, le travail social est censé être l’un des bras armés de ce qu’il est désormais convenu d’appeler la commande publique. Commande publique - mais n’est-elle pas au contraire privée ? – bras armé : le champ sémantique est décidément miné. 

En réalité, si l'on suit cette logique jusqu'au bout, on peut légitimement se demander si le précariat extrême que subissent les personnes en général, les sans papiers papiers en particulier, ne constituent pas une des solutions pour abaisser globalement le coût du travail au même moment où  l'on conditionne des aides ponctuelles à  des preuves de « méritocratie républicaine ». 

Nombre de travailleurs sociaux souffrent de cet enfermement (il y a aujourd'hui pléthore d'arrêts maladie et de personnes non remplacées) et  ont le sentiment de n'avoir pas de choix possible. Il faut dire que toute une nouvelle sémantique s'est invitée et qu'on ne sait plus ce que les mots veulent dire. Les lois les plus récentes comportent un volet « égalité des chances », ce qui a priori est une belle perspective, mais cela vient du Traité européen de Lisbonne (2007) et cela veut dire obligation de saisir sa chance.

Pour rappel, la première référence notable au concept d'égalité des chances se retrouve dans un discours de Philippe Pétain, Message au Peuple Français le 11 octobre 1940 :« Le régime nouveau sera une hiérarchie sociale. Il ne reposera plus sur l'idée fausse de l'égalité naturelle des hommes, mais sur l'idée nécessaire de l'égalité des " chances" données à tous les Français de prouver leur aptitude à « servir ». Seuls le travail et le talent deviendront le fondement de la hiérarchie française. Aucun préjugé défavorable n'atteindra un Français du fait de ses origines sociales à la seule condition qu'il s'intègre dans la France nouvelle et qu'il lui apporte un concours sans réserve. On ne peut faire disparaître la, lutte des classes, fatale à la nation, qu'en faisant disparaître les causes qui ont formé ces classes, qui les ont dressées les unes contre les autres. Ainsi renaîtront les élites véritables que le régime passé a mis des années à détruire et qui constitueront les cadres nécessaires au développement du bien-être et de la dignité de tous. »

Mais d'autres termes s'imposent encore : on ne dit plus intégration ( la partie agit sur le tout et le tout sur la partie) mais inclusion (action d'introduire une chose dans une autre) et on parle de participation, une dénomination unique pour des réalités opposées. 

Le thème de la participation est omniprésent aujourd’hui, en général, mais de façon spécifique dans le travail social. Cette notion rattachée à celle de cohésion sociale renvoie à des ordres du discours qui peuvent être opposés. Ce terme de cohésion sociale, en effet,  ne renvoie à rien de « naturel » et en aucun cas il ne peut s’agir d’un concept scientifique ou technique. La cohésion sociale est en revanche la nécessaire préoccupation des sociétés confrontées à la question des inégalités et à son traitement. Parler de participation, c’est s’interroger sur la part ou la place qu’a chacune des composantes de la société dans la résolution de cette question. Du coup, mettre en perspective participation, travail social et cohésion sociale revoie à des postures différentes selon qu’on se situe  dans  la volonté d’assécher la conflictualité  sociale ou dans celle qui se revendique du thème de la solidarité : interdépendance revendiquée, traduction économique et sociale de l’idée d’égalité, dimension  publique et donc politique qui concilie protection et émancipation. 

Or, principalement ce qui prédomine aujourd'hui, c' est bien la première version . La participation se résume finalement à ce qu'on appelle aussi « la responsabilisation » des chômeurs, des parents, etc. C'est à dire à l'idée sous-jacente que tout un chacun est censé d'en sortir par lui-même ou à « échouer » par sa faute. Nous sommes loin de la définition du travail social proposée par l’assemblée générale de l’International association of schools of social work (IASSW), rassemblée à Melbourne, le 10 Juillet 2014 :« Le Travail social est une pratique professionnelle et une discipline. Il promeut le changement et le développement social, la cohésion sociale, le pouvoir d’agir et la libération des personnes. Les principes de justice sociale, de droit de la personne, de responsabilité sociale collective et de respect des diversités sont au cœur du travail social. Étayé par les théories du travail social, des sciences sociales, des sciences humaines et des connaissances autochtones, le travail social encourage les personnes et les structures à relever les défis de la vie et agit pour améliorer le bien-être de tous. »

L'écart est d'importance quand on voit des intervenants sociaux sommés de gérer des stocks et des flux de pauvres – sur dossiers, protocole sanitaire oblige - afin de garder un certain seuil « d'acceptabilité » (terme nouveau ou nouvellement utilisé lui aussi) de la situation. 

Le reste est délégué aux associations caritatives et/ou humanitaires. 

C'est ainsi, qu'alors que ce n'est pas du tout son objet,  en l'absence de réponses émanant des institutions pourtant dédiées à répondre aux questions qui se posent aux habitants, le CHO3 s'est vu chargé par la Fondation Abbé Pierre de répartir 70000 euros en chèques services -  au reste obtenus de haute lutte - aux familles du 3ème arrondissement en situation d'urgence absolue.  Un examen un peu attentif de la question permet de faire l'hypothèse que le secteur caritatif et humanitaire lui même - quoique indispensable - est intégré dans cette économie spéculative et insoutenable écologiquement voulue par les États. 

En France, le système alimentaire  repose sur un triptyque : un secteur agricole industriel et de type productiviste largement subventionné par l'Union Européenne et très dépendant de l'agrochimie, un secteur agroalimentaire imposant des produits ultra transformés de mauvaise qualité  et enfin la grande distribution. Ce système résulte de choix politiques et n'est pas sans conséquences pour la santé des personnes ayant de faibles ressources qui en ont  largement dépendantes. Mais cette production de masse (économie d'échelle, réduction des coûts de production, etc.) pour une consommation de masse (prix bas pour des produits de faible qualité) provoque aussi des excédents dont  le système agro-alimentaire industriel tire profit : « en effet, l’aide alimentaire est devenue un marché dont le budget est constitué aux trois-quarts par des réductions d’impôts aux particuliers et aux entreprises pour leurs dons alimentaires. Et la défiscalisation profite en premier lieu aux supermarchés qui, depuis une loi de 2018, n’ont plus le droit de détruire leurs invendus. » (Bennegouch, 2020). Le reste des produits destinés à l'aide alimentaire proviennent de l'Union Européenne. 

Conformément au règlement relatif au FEAD et au Programme opérationnel national FEAD 2014-2020, les seules bénéficiaires du Fonds sont les organisations partenaires (OP) à but non lucratif en charge de l’aide alimentaire sélectionnées par les autorités nationales. Ainsi, quatre associations caritatives ont été habilitées au niveau national à recevoir des contributions publiques destinées à la mise en œuvre de l’aide alimentaire et retenues pour bénéficier des crédits européens du Fonds : les Restaurants du Cœur, la Croix-Rouge française,  le Secours populaire français et la Fédération française des banques alimentaires. Les crédits européens sont répartis entre ces quatre associations au début de chaque campagne annuelle FEAD. Elles répartissent par la suite les crédits alloués entre les 27 denrées de la liste FEAD achetées par FranceAgriMer, selon une évaluation de leurs besoins. 

Nouvelle source de profit pour les entreprises de l'agriculture intensive, de l'agroalimentaire et de la grande distribution !

Au delà de l'urgence - réelle et qu'il faut prendre en compte - provoquée par la crise sanitaire actuelle, c'est bien à tout un système aussi inique que cohérent que nous nous trouvons aujourd’hui confrontés. 

Sortir de l'invisibilité

Sortir de l'invisibilité concerne les habitants précaires, ceux que Castel, analysant la place qui leur était faite dans le système dominant actuel, appelle les « sur-numéraires » ou les « invisibles au monde », le peuple de l'ombre.  

Kamar Eddine,  loin, très loin de cette vision, écrit:

« Si on peut dire maux de tête, pourquoi ne dirait-on pas maux d'injustice ?

Dans un monde où l'injustice fait rage et où  les sans papiers sont victimes de tous les mots/maux, où les petits pays sont asphyxiés et le pauvres marginalisés, les sans papiers n'ont ni prénom, ni cerveau, rien du tout !!!

Tout va mal, de mal en mal

Trop c'est trop, trop c'est trop

On est où, là ?

On en a marre et j'en ai marre surtout, moi, mes frères et mes sœurs

Voilà pourquoi je me pose la question

Pourquoi ne pas dire les maux d'injustices ?

Les maux d'injustice, c'est le résultat de toutes sortes d'injustices

Mais surtout moi, victime de ce mot : sans papiers

Mais un sans papiers n'est pas sans connaissances 

Mais un sans papiers n'est pas sans diplôme

Mais un sans papiers n'est pas sans réflexion

Mais un sans papiers n'est pas un savoir faire

Tout va mal, de mal en mal

Trop c'est trop, trop c'est trop

On est où, là ?

On en a marre et j'en ai marre surtout, moi, mes frères et mes sœurs

J'ai envie de travailler, servir, rendre service, être utile

J'ai envie de réfléchir, d'expliquer et d'être utile

J'ai envie de comprendre, d'apprendre, de lire et être utile

Tout va mal, de mal en mal

Trop c'est trop, trop c'est trop

On est où, là ?

On en a marre et j'en ai marre surtout, moi, mes frères et mes sœurs

Mais gardons espoir, soyons solides, brisons le silence

Osons ensemble 

Haut et fort, réclamons l'égalité

Pour un monde meilleur, stable et paisible

Créons un terrain d'entente, ensemble et dans la joie ».

 

C'est ainsi que  le CHO3 s'est engagé dans un travail long patient pour organiser le combat contre les injustices  et pour l'égalité.

Le CHO3 s'inscrit  dans la filiation de l’école de la conscientisation proposée notamment par Paolo Freire :« Écouter les opprimés, ceux qui habitent la culture du silence, c’est écouter la voix de la souffrance. Écouter les exclus et méprisés, c’est reconnaître ceux qui, par leur passé ou leur présent, ont une connaissance  de première main de l’oppression mais pour qui l’avenir n’est que rêves d’opportunités. »(…) « Ce glissement entre savoir et être est important, parce que, pour Freire, le dépassement de la relation d’oppression que constitue la relation institutionnelle « enseignant enseigné » n’est possible que quand l’enseignant arrive à mettre fin à sa vie en tant qu’éducateur unilatéral, pour renaître comme l’éducateur élève de l’élève éducateur. Autrement dit, quand il sait créer une relation toute autre par un dialogue qui donne la possibilité d’apprendre autrement, de créer un savoir qui est autre, parce qu’il devient « un acte de savoir et un moyen d’action pour transformer la réalité qui doit être apprise. Freire propose que cette éducation problématisante serve à « un processus par lequel les individus prennent le rôle de sujets dans l’aventure précaire qui est celle de transformer et recréer le monde ». Par les individus, il veut dire ceux qui se comprennent comme un « je » ou un « nous », autrement dit, comme sujets (…)  L’émancipation et la participation engagée en vue de la transformation sociale (…) requièrent le développement de la capacité individuelle et groupale de comprendre, assumer et prendre des décisions pour transformer la réalité qui nous entoure » (Garibay, Séguier  2009 p.211)

Dés lors, il s'agit de réunir les personnes qui ont le même problème, de formuler une demande  et la ou les formes qu'elle prendra. 

Puis, il faut identifier le ou les acteurs qui seront les interlocuteurs concrets de cette demande pour en faire des alliés par la revendication ou des actions non violentes. Cela peut aussi   passer par le conflit. 

Mais sortir de l'invisibilité concerne aussi l'ensemble des acteurs présents sur le territoire - cet espace où on est reconnus et on reconnaît. C'est notamment vrai pour les travailleurs sociaux, les professionnels des différentes institutions ou encore les élus et c'est la condition pour une appropriation collective des enjeux sociétaux actuels et un préalable à la redéfinition partagée d'un « à venir » possible.  

Pour les salariés, cela passe au demeurant par un enjeu spécifique : « Les entreprises se sont enfermées dans une représentation chiffrée de leur activité, avec des tableaux, des ratios. Cette gouvernance par les nombres fait penser au Gosplan soviétique. A la fin de l’URSS, les dirigeants ne savaient plus ce qui se passait dans le pays, mais ils fixaient quand même des objectifs de production. Ce risque guette nos entreprises, qui sont pilotées par des tableurs Excel. Les dirigeants doivent faire appel aux savoirs de leurs salariés, qui ne connaissent que trop bien ce qui s’y passe. Les syndicats, aussi, restent un outil puissant pour s’ancrer dans la réalité des expériences, forcément très diverses. La révolution informatique pourrait aller dans ce sens. Mais cela suppose des marges d’autonomie, de la créativité, de la concertation et de la réflexion collective ». (Supiot, 2021)

Le cœur, dés lors, n'est pas dedans (l'institution), il est dans les interactions dehors/dedans, dans le réseautage et il renvoie à l'art de la liminalité et du seuil.

Concernant le 3ème arrondissement, on sent un frémissement dans ce sens. Le CHO3 et quelques autres associations ayant actionné à plusieurs reprises les sonnettes d'alarme auprès de l’État et des Collectivités Territoriales  - parallèlement différents médias se sont intéressés publiquement à la question – il est devenu clair qu'une réponse institutionnelle s'imposait. L’État, au travers notamment de la Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS) s'est retourné vers la ville  Du temps est passé et on imagine à quelles négociations ce temps a été occupé, puis, le 16 Décembre, une rencontre est organisée par la ville dans un Centre Social agréé par la CAF . Une élue d'arrondissement anime la réunion, la déléguée à l'égalité des chances de la préfète pour le  3ème arrondissement est venue et nous sommes une quarantaine de personnes, représentant(e)s de différentes associations et/ou d’institutions représentatives du travail social. Il y a une thématique générale  -  l'urgence alimentaire – mais aucun ordre du jour n'est annoncé et nous nous retrouvons à décrire tour à tour qui nous sommes et ce que nous faisons. Ce n'est pas en soi inintéressant. Mais dans le contexte et à « l’insu de son  plein gré », chacun se retrouve finalement à décrire ce en quoi sa place spécifique est importante - et hors texte, digne de financements. Il n'y a pas ici d'analyse de la situation, encore moins définition d'objectifs partagés, et ce, en dépit d'une manifeste (bonne) volonté d'agir au mieux. Un point commun toutefois se dessine : la volonté de se revoir régulièrement. 

La question qui se pose cependant est bien celle des objectifs d'un éventuel travail collectif : s'agit-il de distribuer au mieux des miettes – versus paix sociale – ou s'agit-il de penser des objectifs partagés contribuant à plus de justice sociale et à une vraie démocratie alimentaire ? ( Paturel,   Ndiaye  2020).

Concernant le cadre de ce travail en commun, le CHO3 propose un Projet Alimentaire Territorial. La reconnaissance d'un PAT au sens de la loi n°2014-1170 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 permet au porteur de ce projet d'utiliser la marque « Projet Alimentaire Territorial » reconnue par le ministère de l'Agriculture et le logo associé. Les  PAT ont l'ambition de fédérer les différents acteurs d'un territoire autour de la question de l'alimentation, contribuant ainsi à la prise en compte des dimensions sociales, environnementales, économiques et de santé de ce territoire. Ces PAT peuvent concerner un territoire élargi et il en existe déjà un sur la Métropole Aix Marseille (pat-ampmetropole-paysdarles.jenparle.net ) mais il peuvent aussi se décliner sur une ville, voir un quartier et s'ils ne constituent en aucun cas une garantie d'intégration de la dimension de justice sociale, ils peuvent faciliter un débat entre les acteurs présents sur le territoire qui ont toute latitude pour en décider ainsi.

Oser changer de paradigme

Mais on peut aller plus loin encore. 

Cela passe tout d'abord par une affirmation non négociable à nos yeux : toute personne a le droit d' être respectée dans sa dignité de penser et d'agir. Aucune ne doit être assignée au statut exclusif de « sur numéraire » ou d''inutile au monde et à soi-même car  dans ce cas la « honte d'être soi » envahit tout l'espace psychique dans un présent où tout se joue. 

Nous pensons au contraire que toute personne doit pouvoir « donner, recevoir et rendre » comme l'a formulé Marcel Mauss et cela passe par une autre façon de penser l'économie. 

Certes, le marché est un mode économique mais on sait combien il est destructeur des ressources naturelles et humaines. 

L’incapacité d’un nombre toujours croissant de personnes à se nourrir et à se nourrir correctement est historiquement construite par ce que Majid Rahnema appelle « l’épistémologie de la guerre contre la subsistance » : « La base matérielle de toutes les civilisations du passé était indissociable de la capacité de toute communauté locale à créer directement à partir de la nature des éléments de subsistance. Dans le monde colonisé par le système productiviste moderne, cette capacité (…) s’est trouvée brimée, réprimée, assujettie, et les porteurs des savoirs correspondants - des savoirs de subsistances - sont invités à se considérer comme une espèce en voie de disparition ». (Rahnema, 2008)

Partout dans le monde, on peut observer le même scénario : création ex nihilo de nouveaux besoins pour créer une sorte d’état de manque préalable à une offre de nouveautés, privatisation de l’espace jusqu’alors public,  dénigrement et abrutissement (y compris par des drogues de toutes sortes) des personnes devenues sans terres et – par construction sans dignité - assujettissement à l’ordre social, économique et politique à ce prix établi.  Rahnema insiste sur le fait que tout ceci n’est possible que parce que : « Précédé par cette vague irrationnelle de mépris inculqué envers les flexibles, subtils et intimes savoirs locaux, vague de choc qu’Ivan Illich qualifiait de disvaleur ». 

Mais on n'a pas besoin de tout, juste de ce qu'il faut pour vivre en harmonie avec soi-même et les autres et on peut « être sans papiers mais pas sans compétences ». 

C'est à partir de là que le CHO3 a commencé à réfléchir avec les habitants à différentes pistes. Les savoir faire sont nombreux dans le quartier : arts culinaires, informatique, connaissance de plusieurs langues, maraîchage, mécanique, coiffure, etc. 

Le premier travail consiste à créer des ateliers pour partager ces savoir faire et prendre individuellement et collectivement conscience de cette richesse, qui est un bien commun. Puis, il va falloir imaginer les formes que pourra prendre le partage de ces richesses. Certaines existent déjà : 

Kamar Eddine fait partie d'un groupe de traducteurs franco-comoriens, des mamans s'occupent de la distribution des couches et des produits alimentaires. 

Par ailleurs des habitants ont pu aider à des travaux agricoles (récolte des olives, ramassage des pommes de terre) du fait d'un partenariat avec la Caillasse, une association qui a pour objectifs  de développer et soutenir des activités agricoles et sociales soucieuses de la défense du patrimoine naturel, favorisant l'entraide entre la ville et la campagne et promouvant des modes de production, de coopération et de consommation écologiques. « Nous travaillons sans chimie, dans le respect de la vie du sol et autant que possible avec des variétés locales. Nous sommes basés  au sud du Vaucluse, zone rurale riche en activités agricoles. Nous partons du constat que d’une part, nous vivons proche de grandes villes populaires où l’accès à une nourriture de qualité ne va pas de soi. Cela en raison de son prix élevé et d'un faible approvisionnement mais aussi, à nos yeux, en raison de l’absence de terres agricoles accessibles à proximité de la ville. Notre association vise à rapprocher ces milieux en favorisant la rencontre et l’entraide au cours de chantiers agricoles et d’actions autour de l’alimentation tant à la ville qu’à la campagne. L’association compte parmi ses membres tant des habitant(e)s du Val de Durance que des habitant(e)s de Marseille où nombre de nos activités prennent sens. Elle fonctionne de façon collective et horizontale et l'engagement s'y fait de manière exclusivement bénévole. L'association soutient toute initiative allant dans le sens du partage et de la solidarité ». (Association la Caillasse)

Mais nous réfléchissons aussi à des échanges monétaires qui pourraient se faire au travers de la création d'une coopérative et la mise en place d'une tontine.

Tout ceci est un travail sur le long terme car nous partons toujours des besoins et des envies qu'amènent les habitants. Par ailleurs, notre ADN c'est bien la justice sociale et nous ne  voulons pas  être assignés à un rôle de travail social subsidiaire pas plus qu'être instrumentalisés par les logiques de l'économie dominante. Nous avançons à pas pas , par expérimentations » (Jonas)

Il reste que différentes pistes existent et  le champ des possibles – au prix de travailler aussi avec d'autres – mérite d'être exploré.  

Mettre en lien les compétences différentes et complémentaires peut passer par  des échanges non monétaires : les anglais parlent de banques du temps, les canadiens d'accorderies et en France il existe les Systèmes d’Échanges Locaux. 

D'autres réflexions sont en cours,  notamment les liens possibles avec le monde rural par le biais de la Confédération Paysanne ou par ailleurs l'intérêt éventuel de travailler avec d'autres partenaires dans le cadre du dispositif Territoire zéro chômeurs. 

« Lancé par ATD Quart Monde, rejoint par d’autres acteurs de la lutte contre l’exclusion (Emmaüs France, Le Secours catholique, Le Pacte civique, La Fédération des acteurs de la solidarité…), le projet Territoires zéro chômeur de longue durée est expérimenté depuis janvier 2017, dans le cadre d’une loi d’expérimentation votée à l’unanimité par le parlement le 29 février 2016. Objectif : montrer que personne n’est inemployable et que grâce à la mobilisation collective, l’économie peut être au service de l’humain et de la planète, à condition que les plus éloignés de l’emploi soient au cœur de la démarche. Reposant sur trois intuitions – personne n’est inemployable, c’est pas l’argent qui manque et ça n’est pas le travail qui fait défaut – le projet Territoires zéro chômeur de longue durée est une expérimentation novatrice pour en finir avec le chômage de longue durée. Le projet repose sur la création d’emplois grâce à des Entreprises à But d’Emploi (EBE), qui embauchent – sur la base du volontariat – des chômeurs de longue durée en CDI, au SMIC et à temps choisi, afin de réaliser des travaux utiles localement mais non réalisés car jugés peu rentables pour le marché classique. Ces entreprises particulières sont financées, pour l’essentiel, par la réaffectation des coûts et des manques à gagner liés la privation durable d’emploi. Des coûts estimés à au moins 43 milliards d’euros annuels, soit au moins 18 000 euros par an et par personne durablement privée d’emploi ».

Nous pressentons, en l’expérimentant, que toute relation basée sur ce que Marcel Mauss appelait la triple obligation de « donner, recevoir et rendre » redonne de la dignité à tous en même temps qu’elle met chacun au travail, le vrai : celui qui pense et produit biens et liens et donc émancipe.Peut-être, du coup, faut-il partir de l’idée de la dette : parce que nous sommes dans un monde interconnecté, chacun a besoin de tous et chacun doit prendre  soin de tous, comme de lui-même. Et loin de la morosité, voir du désespoir, qui risque de nous anesthésier tous aujourd'hui, cette perspective est joyeuse.  

« Loin que la joie de vivre, le plaisir, l’art de vivre à la bonne heure soit un luxe qui nous éloigne de l’urgence sociale, c’est au contraire la ressource qui nous permet d’y répondre en sortant des logiques de peur, d’impuissance, de désespoir que sécrètent l’isolement et la panique » . (Viveret, 2014)

 

Bibliographie

Bennegouch, N. (2020), La mise en œuvre du droit à l'alimentation en France : état des lieux et enjeux d'une approche effective de ce droit, Article de fin de formation. Formation en ligne sur les droits économiques, sociaux et culturels https://formationsdh.org/formations/desc1/ 

Buzyn, A. (2018), Investir dans les solidarités pour l’émancipation de tous, Délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Dossier de presse.

De Gauléjac, V. (2013), La recherche clinique en sciences sociales Éditions Ères.

Gori, R.(2011), La dignité de penser, Éditions les liens qui libèrent, 2011  

Morin, E., Rabhi, P., Lafay, D. (2021) Frères d'âmes, L'Aube.

Paturel,D. et Ndiaye, P (2020) Le droit à l'alimentation durable en démocratie, Champ Social éditions

Supiot, A.(2021), Le contenu et le sens du travail sont des exigences de justice sociale, entretien avec Stéphane Béchaud et François Desriaux.

Rahnema, M., et  Robert, J.(2008)n  La puissance des pauvres Actes Sud.

Viveret, P.(2014), « Les tâches d’un mouvement convivialiste », in Revue du Mauss, n° 43.

 

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